Tête de Voltaire par Huber

Débat 5. Voltaire homme d'argent?

Débat coordonné par Yves Citton et Martial Poirson

En continuité avec les débats déjà ouverts dans les Cahiers Voltaire, on propose d’interroger l’un des aspects les plus importants et surtout les plus controversés de la vie comme de l’œuvre de Voltaire : le rapport à l’argent et à l’économie du temps. L’intitulé retenu est volontairement provocateur, en fonction d’une tradition réductrice longtemps confinée aux aspects typiques (le rentier, l’affairiste, etc.) ou psychologiques (la cupidité, l’avarice, etc.) : libre à chacun d’y revenir, en visant plus loin. Deux axes principaux peuvent restructurer l’espace du débat, à partir de l’idée selon laquelle Voltaire représente plus ou moins l’économie de son temps, au double sens du terme :

– Voltaire acteur économique : homme d’affaires et de négoce, spéculateur, , propriétaire de terres, promoteur de manufactures, exploitant… Voltaire est un des meilleurs connaisseurs d’un ordre économique alors en pleine reconfiguration, et il n’en est pas seulement un observateur averti, mais un acteur à part entière, un véritable agent économique. Cette activité nourrit par ailleurs un ethos que nous serions tentés de qualifier de négociant, qui préside à l’établissement d’un certain nombre de positions, en particulier sur la question du statut dans les lettres et les arts, notamment la critique de l’auteur «pauvre diable», le refus de la professionnalisation des pratiques d’écriture et la valorisation de la sécurité matérielle, seule garante pour lui de l’indépendance artistique et intellectuelle.

– Voltaire auteur économique : ses pratiques vécues ont nourri l’œuvre, on l’admet pour les fictions, tant narratives que dramatiques, discursives que poétiques. Mais l’implication économique de Voltaire alimente également ses positions philosophiques et politiques, dans l’ordre de l’économie coloniale, dans la question du luxe et de la dépense, dans l’apologie de la manufacture moderne et de processus productifs rationalisés, enfin pour les rapports divers et complexes de l’œuvre aux pensées économiques et fiscales alors débattues ou mises à l’épreuve : on pense aux physiocrates, à l’action gouvernementale en matière de finances publiques, aux évolutions du système capitaliste libéral. Sur ces enjeux, la correspondance de Voltaire est aussi un document précieux.

Il semble que ce débat général, encore minoré après avoir été longtemps occulté ou segmenté, pourrait s’avérer fécond pour confronter les approches de littéraires, d’historiens, d’économistes, de politologues ou de sociologues intéressés par le cas Voltaire : il offre le grand mérite d’autoriser et de mobiliser des lectures actualisantes au regard d’une « révolution copernicienne économique et politique », selon les termes de Daniel Roche, qu’illustrerait l’œuvre voltairienne rendue à ses contradictions et à toute la complexité de ses positions sur la société de son temps. Nul doute qu’un tel type de questionnement ne suscite en retour de puissants échos dans notre réflexion, ainsi remise en perspective, sur le monde contemporain.

On se reportera aux numéros 7 des Cahiers Voltaire pour se faire une idée concrète des débats déjà menés et de l’intervention type : un titre doit personnaliser la position soutenue, le texte peut être de portée générale, mais il peut aussi traiter à fond d’un aspect, d’un texte choisi ou d’un exemple caractéristique ; la mise en forme doit tendre à une certaine densité pour permettre un accueil large des points de vue ; la rédaction pourra réduire au minimum, sauf cas particuliers, les rappels érudits et les notes critiques, notamment par l’intégration au texte même des passages cités et de leurs références.

Ce nouveau thème pouvant être reconduit sur plusieurs numéros de la revue, les intervenants sont encouragés à formuler à ce stade des positions ou propositions assez brèves (6000 à 8000 signes) qu’ils pourront par la suite développer, étoffer ou compléter à leur guise. Un colloque pourrait être ultérieurement organisé par la Société Voltaire autour des questions soulevées par les textes recueillis.

Les personnes intéressées sont invitées à contacter sans délai Martial Poirson (courriel) ou Yves Citton (courriel).

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