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Bulletin de la Société Voltaire


Numéro 35, 11 janvier 2015

Intervention d’Alain Sager


Parvis de la mairie de Nogent-sur-Oise le 10 janvier 2015


J’interviens devant vous en tant que membre de la Société Voltaire. Car en ce moment la voix de Voltaire mérite amplement qu’on l’écoute. Jugez-en.

« On entend aujourd’hui par fanatisme une folie religieuse, sombre et cruelle. C’est une maladie de l’esprit qui se gagne comme la petite vérole. Les livres la communiquent beaucoup moins que les assemblées et les discours [...]. Un homme ardent et d’une imagination forte parle à des imaginations faibles, ses yeux sont en feu, et ce feu se communique [...]. Il crie : Dieu vous regarde, sacrifiez ce qui n’est qu’humain ».

Voilà bien le comble de l’inhumanité.

Nous sommes en 1771. Voltaire évoquait les fanatiques de son temps en ces termes, avant d’ajouter  : « ils puisent leurs fureurs dans la religion même qui les condamne ». Remarquons bien chez lui cette distinction entre fanatisme et religion. Il précise : « si notre sainte religion a été si souvent corrompue par cette fureur infernale, c’est à la folie des hommes qu’il faut s’en prendre ». On sait que pour Voltaire, la seule religion « sainte », c’est celle qui unit naturellement les hommes dans un sentiment de bienveillance réciproque.

Voilà une leçon pour l’époque que nous traversons. La frontière ne passe pas aujourd’hui entre le religieux et l’athée, entre le chrétien ou le non-chrétien, le musulman et le non-musulman, entre le juif ou le non-juif. Elle passe entre la barbarie et la civilisation.

Le barbare, c’est celui que Voltaire appelle encore le « bœuf-tigre », un mélange de stupidité bornée et de férocité sanguinaire. Le civilisé c’est celui qui incarne à la fois un idéal de savoir et de douceur, d’esprit critique et de tolérance. Il représente le combat d’aujourd’hui contre tous les obscurantismes, d’où qu’ils viennent, y compris de ceux qui propagent la haine, en délirant sur le « suicide français » ou un fantasme de « soumission ». Ce n’est pas ainsi qu’on pourra reconquérir cette partie de notre jeunesse soumise aux influences intégristes porteuses de mort.

Cela étant, « que répondre à un homme », demandait Voltaire, « qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant? ».

Plantu, le dessinateur du Monde est voltairien quand il répond : « il ne faut pas baisser le crayon », de même que Voltaire n’a jamais baissé la plume. La civilisation contre la barbarie, c’est la liberté d’écrire et de dessiner contre toutes les répressions et tous les interdits. C’est le droit de la satire irrévérencieuse et libertaire contre tous les pisse-froid dogmatiques et violents. Voltaire encore, en 1769 : « l’orthodoxie n’a jamais été prouvée que par des bourreaux » – l’orthodoxie, c’est-à-dire l’opinion rigide, enfermée entre des œillères, et qui s’impose par le massacre.

Malheureusement les massacreurs sont passés. Mais, comme l’a dit Coco, la dessinatrice rescapée de Charlie hebdo, « il ne faut pas céder ». Il ne faut pas céder sur la liberté de conscience et de parole, sur la propagation des Lumières, sur la dignité et l’émancipation des femmes. Sur la liberté pour chacun de croire et de pratiquer sa foi, ou de ne pas croire et de critiquer ouvertement les religions ou les croyances. C’est-à-dire ne pas céder sur tous les principes de civilisation, et donc de tolérance mutuelle, qui nous tiennent si chèrement au cœur et à la raison.

Merci les Charlie !

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